Delphine Balley
L'Album de famille, une série débutée en 2002.
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« Pour les groupes, comme pour les individus, vivre, c’est sans cesse se désagréger et se reconstituer, changer d’état et de forme, mourir et renaître. C’est agir puis s’arrêter, attendre et se reposer, pour recommencer ensuite à agir, mais autrement. Et toujours ce sont de nouveaux seuils à franchir, seuils de l’été ou de l’hiver, de la saison ou de l’année, du mois ou de la nuit ; seuil de la naissance, de l’adolescence ou de l’âge mûr ; seuil de la vieillesse ; seuil de la mort ; et seuil de l’autre vie – pour ceux qui y croient. »
Arnold Van Gennep. Les rites de passage, Picard, Paris, 2016
Sous le voile de la chambre, organisant des événements fictifs pour rassembler sa propre famille, l'artiste met en scène ses parents, ses proches, elle-même, dans des clichés qui reprennent les évènements clés qui rythment l'histoire d'une cellule familiale : baptême, mariage, réunions, décès... Ce sont des scènes soigneusement organisées, prenant place dans de lourds décors confinés, où chaque objet, la pose de chaque personnage est symbolique dans un univers familier développant son propre système de croyances et de rituels. Se crée alors un groupe, en marge de la réalité, lui permettant d'en inventer l'organisation portée par ses rites, ses codes, ses croyances et ses dysfonctionnements.
La dimension pesante, vaguement dramatique, de ces œuvres bascule lorsque le personnage de Delphine Balley, "la fille légitime" de la famille, est assassiné le jour de son mariage. Le désespoir et le grotesque s'infiltrent dans des images qui demeurent cependant poétiques. Ce décès brutal s'accompagne d'un dédoublement du personnage disparu de Delphine : le destin qu'elle n'a pu accomplir est endossé par "la fausse fille", enfant illégitime dont la vie est l'inverse de la sienne, tandis que "l'enfant transparent", dont l'origine est mystérieuse, incarne l'accomplissement de la volonté maternelle.
Le film Le Pays d'en Haut (chapitre 3 de L'Album de Famille), nous dépeint l'évolution de ces deux personnages féminins dans l'espace clos qu'est la famille, où se nouent les drames les plus grands et où s'enfouissent les secrets les plus intimes.
Les photographies Le Pays d'en Bas (chapitre 2 de L'Album de Famille), fonctionnent comme des allégories, des natures mortes de lieux, qui rendent compte d'un monde passé peuplés de présences invisibles.