Pavillon
Pavillon, Guillaume Perez, par Leïla Couradin, 2018
Publié dans la revue Artaïs à l'occasion de l'exposition Pavillon à l'INSA Lyon, en partenariat avec l'Institut d'art contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes
L'exposition Pavillon, à l'INSA Lyon, réunit de nouvelles pièces de Guillaume Perez, ainsi qu'une photographie de Walker Evans (Sans titre, 1936) prêtée par l'Institut d'art contemporain de Villeurbanne (FRAC Rhône-Alpes) dans le cadre de Collection à l'étude. L'architecture moderniste singulière de la galerie qui accueille ce projet a largement influencé le travail de l'artiste. Le titre Pavillon (du latin papilio, -onis, papillon) convoque la légèreté de l'insecte appliquée à une structure au plan libre, possiblement mobile. Les œuvres ici exposées y re-dessinent un parcours fait d'éclipses ou de dévoilements, laissant apparaître l'intérêt de Guillaume Perez pour les modalités de mise en présence de pièces dans un espace.
Formellement, les éléments architecturaux qui composent la galerie répondent aux œuvres exposées. Le châssis vitré renvoie à la géométrie des toiles qui le jouxtent. Le mur est partie prenante des pièces qu'il accueille sur sa surface et son grain est révélé par une image dont il est le support. Chaque œuvre suggère un questionnement spécifique, tout en développant des problématiques transversales dans le travail de Guillaume Perez. Celles-ci semblent se cristalliser dans la photographie de Walker Evans. La paire de chaussures usées du fermier américain pourrait être celle de l'artiste dans l'atelier. Elle évoque le corps absent, comme le corps au travail qui influe sur son environnement en modifiant la matière. L'image de ces bottines abandonnées là, sur un sol poussiéreux, renvoie à l'histoire politique et sociale de leur propriétaire, tout en représentant plus largement le marqueur d'une temporalité qui s'érode.
Chère à Guillaume Perez, cette notion se matérialise également dans Les reliefs (2018), disques de caoutchouc d'abord trouvés, puis stockés dans l'atelier, avant d'être disposés ça et là dans l'espace d'exposition. Ils portent les traces - de pas ou de peinture - du passage du temps au sein d'un environnement qui à son tour, agit sur les objets.
Les grand formats de peintures (Flottement, vert, 2018 et Flottement, rose M., 2018) laissent supposer à nouveau le geste dans l'atelier, répétitif et conscientisé cette fois. Ne vous y trompez pas, il ne sont en rien des monochromes : les couches de matière successives permettent l'affleurement d'une multitude de subtilités produisant un effet de transparence qui n'est pas sans rappeler les recherches des expressionnistes abstraits américains. Les modes d'accrochage, souvent fruits du hasard (une plaque de bois trouvée perforée notamment), rappellent la pré-existence des matériaux dans un autre contexte, domestique ou industriel. Le temps, ici encore, est le personnage discret dont l'artiste peint inlassablement le portrait.
Une autre peinture, sur polyéthylène (Feels like company, 2018) joue le voile, qui occulte autant qu'il suggère et se fait métaphore du procédé photographique, ainsi que du principe de surgissement des images. La transparence feinte, qui répond aux aplats colorés, contraint le déplacement du corps dans l'espace et invite par cela à la curiosité.
Pavillon, dont l'accrochage a été minutieusement travaillé, constitue la véritable réponse d'un artiste (par ailleurs commissaire), aux problématiques de l'exposition. Les œuvres exposées dialoguent avec l'architecture, tout en développant un propos dense, étayé par la photographie de Walker Evans, au cœur duquel se trouvent la matière et les transformations que l'artiste ou le temps y apportent.