Capital Fordlandia I
Capital Fordlandia I, 2017
Vidéo HD, couleur, muet, 3 min 15
Fordlandia, Brésil
La vidéo Capital Fordlandia I a été réalisée lors d'une résidence au Brésil avec le collectif Suspended spaces, dont Jan Kopp est l'un des membres fondateurs. Réunissant artistes et chercheurs internationaux, Suspended spaces travaille autour de territoires géographiques dont le devenir a été empêché, pour des raisons politiques, économiques ou historiques. Constitué après l'expérience de Famagusta, ville fantôme chypriote, Suspended spaces s'est ensuite déplacé au Liban et plus particulièrement à Tripoli, sur le site inachevé de la Foire internationale d'Oscar Niemeyer. Le collectif s'est, par la suite, rendu au Brésil où le MAC, musée d'art contemporain construit par Niemeyer à Niterói, et le MACquinho, centre culturel et social, interface avec les populations précaires de la communauté du Morro do Palácio, travaillent avec la favela voisine, dans une société brésilienne violente et divisée. Chacune de ces étapes a donné lieu à des résidences, des œuvres, rencontres, colloques, publications, etc.
"Jan Kopp s'appuie à nouveau sur un territoire très marqué historiquement, ce qui fait aussi de ce travail une œuvre contextuelle. Fordlandia est le nom donné à une ville nouvelle, une cité ouvrière, bâtie par l'industriel américain Henry Ford en 1928 sur une immense concession au bord du Rio Tapajós, dans l'État de Pará au Brésil. L'ambition était d'y établir sa propre production de caoutchouc, indispensable à la fabrication de pneus. Un territoire entier, avec hôpital (dessiné par Albert Kahn, lequel a fait toutes les usines Ford de Détroit), école, a ainsi émergé d'une volonté de maîtrise. L'échec fut cependant patent et ne reste aujourd'hui de cette ambition, qui s'est notamment soldée par la destruction d'une partie de la biosphère, qu'une ville fantôme de 3000 habitants.
Capital Fordlandia 1 a été filmé dans l'usine Ford laissée à l'abandon aujourd'hui encore. Une fois de plus, le choix du cadre se porte sur un lieu extrêmement connoté historiquement et culturellement, et en suspension comme espace et dans le temps. La caméra surplombe le sol en bois de l'usine, si bien que le spectateur regarde d'emblée une manière de tableau matériel et abstrait, un tableau concret qui lui fait face. Puis un homme – l'artiste en l'occurrence – commence à ranger très précisément sur la droite de l'image des objets ou fragments d'objets en acier, probablement issus, pour leur plus grande partie, de systèmes mécaniques. Ce tapis métallique s'étend progressivement sur la gauche de l'image, l'homme démultipliant ses efforts et ses gestes pour couvrir la surface d'opération qui est aussi une surface de vision. Puis cette nappe faite de formes en acier aux configurations fort diverses – une sorte de répertoire de formes industrielles – se déplace vers la gauche avant de disparaître du regard en laissant devant nous le tableau initial. Ce jeu avec des formes ready-made est filmé en accéléré, si bien que l'action et le son donnent à cette pièce un côté burlesque, chaplinien – le Chaplin des Temps modernes. Dans Capital Fordlandia 1, on revient au point de départ après avoir fait un long détour par le monde, dans le monde, après avoir collectionné bon nombre d'objets du monde, ceux qui sont en tout cas disponibles sur le lieu de l'action. En apparence, c'est un jeu à somme nulle, une façon de faire et de défaire pour ne rien faire. Mais en réalité, il s'est agi de dresser un état des lieux à partir de la mémoire matérielle du lieu, de faire histoire mine de rien – une histoire pauvre avec des objets et des formes de peu –, il s'est agi de faire un inventaire en faisant apparaître et disparaître des vestiges, des restes d'autant plus frappants qu'ils ne sont là que pour un moment, que dans l'instant du jeu." [...]
— Thierry Davila, Capitals, 2017 (extrait)
• Production : FNAGP et Suspended spaces