Texts
Texte de Jérôme Stettler
2018
Texte de Jérôme Stettler
2018
Texte d'Anne-Belle Lecoultre Brejnik
2013
Publié dans 101 Œuvres/101 Artworks, Acquisitions récentes et œuvres phares du Fonds cantonal d'art contemporain de Genève, Édition Infolio, Genève, 2019
Texte d'Anne-Belle Lecoultre Brejnik
2013
Publié dans 101 Œuvres/101 Artworks, Acquisitions récentes et œuvres phares du Fonds cantonal d'art contemporain de Genève, Édition Infolio, Genève, 2019
Texte d'Eveline Notter et Thierry Maurice
2018
Texte d'Eveline Notter et Thierry Maurice
2018
Originaire de Minato-ku, un polder bâti sur la baie d'Osaka, Keiko Machida vit en France depuis près de vingt ans. Unique membre de sa famille à suivre des études universitaires, elle se forme à Kobe en cross-cultural studies, une approche holistique de la culture, et conclut son cursus par un mémoire sur la notion de dualité propre au statut des gauchers dans diverses sociétés.
Engagée dans une petite équipe réalisant des films documentaires au sein du Musée d'ethnologie d'Osaka, elle contribue à la sauvegarde sur pellicule de certaines pratiques culturelles en voie de disparition. Le genre documentaire lui ouvre des perspectives qu'elle développera plus tard dans son travail artistique : la technique du montage, ce subterfuge du temps recréé ; l'élaboration de scénarios qui sont autant de fictions en germe ; l'intérêt pour la mémoire qui se traduit en une archéologie sociale et individuelle.
Un accident de scooter la maintient longtemps immobilisée. Il fait mûrir chez elle le projet de se rendre en Europe, plus particulièrement en France, pays de la tradition boulangère. Il s'agit de percer la dimension organique d'une substance préalablement travaillée qui, grâce au levain et sous l'effet de la cuisson, produit un aliment aux infinies variétés. Le mystère de la transformation, du « devenir autre » de la matière s'impose donc à elle. Arrivée dans l'Hexagone, c'est toutefois à travers le dessin que s'épanouissent ses aptitudes artistiques, à l'issue d'un stage suivi à Aubusson. Unique élève, elle ne s'initie pas au dessin académique mais a pour consigne d'exprimer sur papier ce qu'elle a en tête. Cette approche introspective restera la sienne. Le souci de représenter fidèlement n'est jamais central. Importent davantage la symbolique, les réminiscences, l'atmosphère, les fêlures. L'évanescence du trait est au service de scénarios esquissés, de la fable, de ce que Freud a appelé « l'inquiétante étrangeté ».
Keiko Machida intègre à Paris une formation préparatoire en arts appliqués. Ce cursus lui permettra de postuler à la HEAD – Genève, Haute école d'art et de design, où elle est reçue avec un dossier contenant cinquante motifs de pandas. Qu'a-t-elle voulu dire à travers ce mammifère solitaire en voie d'extinction ? Il y a sans doute le rappel d'un ailleurs, d'un exotisme renforcé par la rareté de la bête, pourtant ici multipliée, comme s'il s'agissait d'en assurer la survie. Les pandas de Keiko Machida revêtent également les attributs du merveilleux et du bizarre. Tantôt imaginaires, tantôt artificialisés, ils rejouent une tension classique entre nature et culture. Tout se passe en effet comme si la quête de sens engagée par l'artiste se situait à la confluence de l'organique et de l'onirique.
Le motif récurrent de la maison, en dessin, en peinture ou en céramique, est à cet égard éloquent. La plasticienne conçoit une enveloppe minimale, un volume fait de murs et d'un toit à deux pans. Qu'on les imagine gagnées par une nature exubérante, irriguées par un réseau veineux ou irradiées, ces maisons-membranes figurent une perméabilité entre le dedans et le dehors, l'intime et le social. Dotées d'une personnalité à l'instar de maisons issues de contes, elles instaurent un climat émotionnel. Une beauté sombre se dégage de ces foyers qui abritent et hantent au même titre. A-t-on affaire à la vulnérabilité des constructions humaines devant les puissances qui les entourent, ou à la force qui résiderait précisément dans leur interpénétration ?
Quoi qu'il en soit, l'hybridation nourrit le travail de Keiko Machida, basé sur l'intrication du minéral, du végétal, de l'animal et de l'humain. En présentant la nature comme un tout indiscernable, l'artiste replace ses incarnations et ses mues à une échelle mythologique ou cosmogonique. L'hybridation, c'est aussi la difformité et l'artificialité créatives : mesures et proportions se dérèglent, une tête énorme repose sur un corps fragile, les couleurs apparaissent délavées ou, au contraire, saturées. La céramique, que l'artiste expérimente à la manière d'un dessin déployé dans l'espace, s'avère l'expression prégnante de ce processus. Sous l'effet de la cuisson, les altérations de la matière, par le biais d'oxydes métalliques et d'émaux, s'avèrent plus vives. La mise en scène de créatures bâtardes ou grotesques, désemparées ou infirmes, figures de songes ou d'apocalypse, amorcent des micro-fictions saisissantes.
L'œuvre de Keiko Machida puise aux ressources de la périphérie, tant géographique, physique, culturelle que mentale. Issue d'Osaka, cité qui semble tourner le dos à une destinée métropolitaine, l'artiste s'est formée entre la France et la Suisse, habitant en campagne, à la lisière de ces multiples aires d'influence. Adepte de la décentration, qu'elle s'inscrive dans un geste de gauchère ou, plus largement, dans la prise en compte d'approches contrastées d'un même phénomène, sa démarche échappe ainsi à toute tentation dogmatique. C'est depuis la marge que son travail, mélange d'archéologie et de montage, de vivants artifices, de fictions naturelles, de rêves éveillés, se déploie et s'épanouit.
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