Mengzhi Zheng
Updated — 01/09/2025

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FAIRE EXISTER, DONNER LIEU

Par Mengzhi Zheng, 2025

Enfant, je passais mes journées dehors. Le village chinois où j’ai grandi était traversé d’eaux et de montagnes, ce que le mot "paysage" désigne en chinois. L’extérieur était un monde ouvert où je circulais librement. À sept ans, Paris m’a fermé ses portes : espaces étroits, appartements empilés. Cette rupture a façonné ma perception de l’espace. Plus tard, étudiant en art, un retour au village m’a révélé un autre vide : tout avait changé, dans une Chine en pleine mutation, les lieux avaient perdu leur âme. Depuis, mon œuvre poursuit la recherche d’un "chez-moi possible", non pas à atteindre mais à réinventer dans chaque rencontre avec le lieu.

À l’atelier, je travaille avec ce qui est à portée de main : fragments de meubles abandonnés, chutes de bois, carton, papier. Je les glane là où je vis et travaille. Ces matériaux porteurs d’histoires et de traces d’usure, je choisis de les révéler plutôt que de les effacer. Leur réemploi traduit aussi une attention aux ressources, une manière d’habiter mon monde. Intuition et spontanéité guident mes gestes. Sans dessin préalable, les formes surgissent par assemblages successifs, dans l’urgence de capter ce qui vient avant qu’il ne disparaisse, laissant paraître leur précarité assumée. Ainsi apparaissent des espaces-objets ouverts, à la frontière entre sculpture et architecture.

Je ne fabrique pas d’objets définis : je produis des intentions spatiales, des espaces où se projeter, où l’assemblage intuitif transforme les fragments en constructions ouvertes. Des compositions à échelle humaine, qui tiennent dans la main ou se déploient dans l’environnement ; des inarchitectures, des espaces non fonctionnels, des maisons d’âme, où le regard circule avant le corps. Les espaces vus, expérimentés, ressentis sont autant de ressources sensibles qui guident mes gestes. Dessin et collage obéissent à la même logique de composition directe.

Dans l’espace public, mes visions d’espaces naissent d’une écoute fine du lieu et de son environnement immédiat. Elles s’inscrivent dans une tradition d’interventions in situ et dialoguent avec des formes architecturales expérimentales ou radicales qui nourrissent mon imaginaire : celles qui bousculent les normes, ouvrent l’espace à d’autres perceptions et engagent le corps autrement. Catalyseurs de rencontres, qu’il s’agisse de structures ouvertes et colorées ou de dispositifs à vivre, mes dessins dans l’espace trouvent leur place dans le paysage urbain, rural ou naturel. La couleur y joue un rôle essentiel : elle ne vient pas recouvrir les formes mais les activer, révélant leurs volumes, modifiant la perception des vides et insufflant une énergie vivante à l’espace. Elle agit comme un guide sensoriel, qui capte le regard et intensifie l’expérience.

Dans un monde saturé de fonctions, de rendement et d’objets normés, ma pratique de la sculpture est un geste de résistance à la standardisation architecturale. Je ne fais pas l’éloge du bricolage : je restitue une valeur à ce qui a été rejeté, en le transformant en espace de projection. Créer un espace non utile, c’est redonner au vide sa puissance : circulation, souffle, mouvement. La force de mon travail tient dans l’espace qu’il laisse au regard de l’autre : une invitation à projeter mentalement et à réactiver une mémoire personnelle. Faire œuvre, c’est ouvrir une rupture où se déploie l’imaginaire, où l’on peut traverser, habiter, archi-rêver.

Entre atelier et espace public, c’est la même conviction spatiale qui m’anime : ouvrir des visions d’espaces et des rêves d’architectures à tous. Des espaces autres de liberté, de pensée et de traversée, où chacun peut déposer un fragment de soi. Les enfants, par leur regard direct, sont souvent les premiers à les reconnaître ; mais chacun peut y retrouver l’écho d’une mémoire intime, s’y retrouver un instant, comme dans un paysage intérieur.

FRÊLES ESQUIFS

Par Hubert Besacier, 2018

LA TRAVERSÉE DES REGARDS

Par Jean-Louis Poitevin, 2017

DÉPLIS

Par Elfi Turpin, 2011
In Demain c'est loin... Diplômés 2011, Supplément Semaine vol. VI, Analogues