Niek van de Steeg
Updated — 06/11/2015

Texte de Pedro Morais

Texte de Pedro Morais
Pour la newsletter de Mécènes du Sud, juillet 2009

L'un des points de départ du projet présenté à la galerie SMP par Niek van de Steeg lui est apparu à la vue du logo d'un paquet de café, sur lequel les projections de l'exotisme sont indissociables de l'imaginaire colonial. On y voit une jeune femme des îles aux seins nus tenant dans ses mains un grain de café géant, établissant une lourde association entre désir, plaisir psychoactif de la caféine et consommation. À l'image de ses projets antérieurs, cet artiste d'origine hollandaise s'engage dans une entreprise de déconstruction des codes et représentations liés à la sphère économique. Pour cela, il emprunte le plus souvent les stratégies de l'appropriation et du détournement qui ont dominé les pratiques artistiques des années 90. Sur des étagères placées au milieu de la galerie, il dispose ainsi une énorme quantité de paquets de café Massa venant nourrir en permanence une machine à café. Pendant toute la durée de l'exposition, celle-ci devient une machine à peindre : des tableaux immaculés au format carré, placés tout autour de la salle, sont successivement posés sous la fontaine à café et raccrochés au mur après avoir épongé des tonalités châtain.

Dans la recherche de Niek van de Steeg, plutôt qu'une pratique ironique de la peinture, il s'agit d'entraîner certains standards artistiques (le monochrome ou la peinture figurative) dans un territoire géopolitique. Les couleurs sont ici investies d'un pouvoir et organisent le parcours même dans la galerie : on passe des monochromes blancs à la matière grise d'une zone de documentation. Là, Niek van de Steeg transforme ses toiles-écrans en tableau noir où il dessine à la craie le projet de la Petite Maison de la Matière Première. C'est une sorte d'étrange villa moderniste, structurée par des panneaux dont le format correspond aux tableaux exposés dans la galerie. "Une maison avec des murs d'images, plongée dans un travail permanent d'accrochage". L'intérêt de l'artiste pour les matières premières concerne leur rôle dans la modélisation d'une "fonction" pour certaines régions du monde, tout comme leur devenir en tant que marques déposées. Dans le contexte de la galerie, le café est utilisé comme ready-made, à l'image d'un Duchamp "signant des matières premières avec un logo". La fin de l'exposition avance progressivement vers la pénombre, où un trou noir au milieu d'une table ronde semble vouloir engloutir les portraits disposés autour représentant les dirigeants des principales puissances économiques mondiales. C'est une conclusion qui emprunte un peu facilement les traits de la dénonciation, nous empêchant presque de prêter attention à la dimension grotesque de ces dessins à la craie, à mi-chemin de la caricature et de la peinture pour touristes.

© Adagp, Paris