Prisons de Lyon / Un balcon en forêt
Prisons de Lyon / Un balcon en forêt
Ensemble d'œuvres
Réalisé à Lyon, Nantes et Rillieux-la-Pape entre 2011 et 2015
Passages
Exposition collective
Prison Saint-Paul, Lyon, 2012
Commissariat : Bernard Bolze et Daniel Sinno
Les ballons prisonniers
Cette installation réunit les ballons de football récupérés dans la prison, uniques formes rondes et ludiques abandonnées dans cet univers carcéral. Ces boules usées par les coups de pied des prisonniers, objets de liens et de jeux, subsistent ici comme des reliques, des concentrés d’humanité, des sphères de vie. Installés dans des supports de mappemonde ajustés à leur taille, Les ballons prisonniers se retrouvent alors figés sur un piédestal, tout en nous renvoyant au voyage et au monde.
— Aimer n'est pas voir, texte de Julien Mijangos (extrait)
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(...) « Le faire image ne consiste pas seulement à faire des photographies. Il s’agit par exemple de fabriquer un cadre : dans la cour devant les miroirs étaient présentés les plus ou moins vieux ballons de foot de la prison (Les ballons prisonniers, 2012).
Perrine Lacroix les a enchâssés dans de solides supports métalliques bien stables analogues à ceux des globes terrestres, et remis dans la cour, ainsi encadrés, fixés, posés dans leur image. Remis dans la cour à ceci près que c’est à une prison en tant qu’image, ouverte aux visites, qu’ils sont rendus.
Mal vu, l’art contemporain, la grande foire aux idées ! L’objet unique, opinion de synthèse, astuce du chef ou fruit suprême d’un coup de pot ! Oxymores visuelles, rapprochements astucieux. Ne pas voir… Non, non, les ballons de Perrine Lacroix ne rejoignent pas une hypothétique course à l’originale, vue ou idée. Là, Perrine Lacroix avec son « faire image » rejoint ceux qui disent qu’ils « n’ont pas d’idée ». L’original c’est le fond plutôt que le sommet. Fond d’inquiétude ni lisse ni d’aplomb, à renverser. On se situe dans un temps long où le résultat ne compte pas sans les moyens.
Ce n’est donc pas une pensée qui gesticule. C’est un travail du regard sur les choses, leurs espaces, leurs limites, comprenant les faits sous forme de textes et terrains afférents, articles, histoire. Perrine Lacroix capte des sons, renseigne les usages sur les lieux qu’elle investit. Elle se laisse d’abord menacer par la diversité des vues, qui conduiraient à un désarroi de la forme, sa dissolution. La situation est irrésolue et quand même là. D’un certain point de vue nous sommes faits pour échouer. C’est aussi une façon dynamique de se situer. Compte tenu d’une situation, le regard qu’on projette est un projet de regard pour soi, ou plutôt de regard comme sien. Que faire : quel regard avancer comme mien ? De quelle image accompagner mon regard ? Dans bien des cas pouvoir être accompagné c’est pouvoir être. (...)
Et puis il y a retour au front, à la barricade, à cette façon de faire face selon Perrine Lacroix. L’image, c’est pour elle le choix d’une face. En toute relativité. Pour Les ballons prisonniers déjà, le pied de globe terrestre met l’accent sur leur superficie, la tactique offre un point de vue haptique de leurs hexagones et pentagones usés. Les miroirs également opposent leur surface réfléchissante à la prison, une fine peau qui renvoie le regard, le fait diverger. Il s’agit à chaque fois d’opter une surface mais toujours en laissant indemne l’objet (ballon), les lieux (prison) ou l’événement (relaté dans l’article). Ce n’est pas du recyclage. » (...)
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Votre attention s'il vous plaît...
Votre attention s’il vous plaît... vient souligner la proximité physique entre deux mondes opposés : celui de l’enfermement et celui du mouvement. À Lyon, les anciennes prisons Saint-Paul et Saint-Joseph sont encerclées par la gare, l’autoroute, le tram, la route. Dans la cour de sport de la prison Saint-Paul, Votre attention s’il vous plaît... amplifie l’univers sonore alentour, des voix surgissent de la gare voisine, les passages des trains, des trams, ceux des voitures sur la route, sur l’autoroute. Même dans les cellules et les couloirs retentit cette orchestration du déplacement dominée par le jingle de la SNCF, la voix de Simone, les annonces des arrivées et des départs, les crissements de freins, les coups de sifflet... Les détenus assistaient en continu à ce ramdam du voyage.
Néanmoins, maintenant que les prisons de Lyon sont transférées à Corbas, les détenus regrettent de ne plus entendre ces mouvements qui rythmaient leurs journées tout en les invitant à une évasion mentale.
Au-dessus de la cour, le ciel est quadrillé par les câbles anti-hélicoptères qui se superposent avec ceux des chemins de fer. Les uns empêchent, les autres emmènent.
— Aimer n'est pas voir, texte de Julien Mijangos (extrait)
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(...) « Des miroirs sont appuyés contre le mur, par terre dans la cour. Un long bandeau de miroirs, les uns sur les autres ou non.
Ils reflètent le ciel selon la pente de leur appui au mur. Les propriétés physiques de ce genre de miroir (du « Dibon Miroir ») font qu’ils reflètent soit latéralement, soit verticalement les mouvements alentours, selon la tranche sur laquelle on les pose. Dans un sens ou dans l’autre s’il fait beau (bleu avec des cumulus) vous verrez les nuages passer. Revenons au départ : intervenir dans une ancienne prison ! Un enjeu impérieux nous assaille ! Bonjour la contrainte, aussi bien diffuse qu’ultra-précise. De quoi tourner en boucle, là-dedans tous les espoirs se négocient. Cette prison qui se visite, traiter le désert objectif qu’elle est devenue. Et aussi subjectivement surpeuplée ! Quel genre de démonstration artistique faire là-dedans : comme si de rien n’était ? Le culte du lieu ? Une chose invisible ? Un monument ? On pensera naturellement beaucoup aux prisonniers, mais comme artiste comment accompagner cette pensée ?
Une singulière netteté caractérise la proposition des miroirs, tant ce qui est concret traite parfois avec l’oubli. Si vous aimez la magie, établissons alors qu’il s’agit d’une magie très simple. L’œil de Perrine Lacroix est sans froideur mais sans illusion non plus. Il s’agit d’un dépôt d’objet réflecteur, manifestation calme d’un phénomène physique permanent, prosaïque, en même temps que bien choisi. C’est posé, prosé, déposé, peut-être même un peu abandonné là, à mesure que l’attention du visiteur se dilue dans l’édifice, dans l’histoire, dans le tableau qu’on s’en fait. Ne pas voir… Des miroirs un peu abandonnés que l’on identifie facilement à cette prison un peu délaissée, conjuguée en mode musée, avec les œuvres comme terminaisons qu’on espère nerveuses.
Les reflets des nuages passent dans les miroirs comme une sorte de veille. Il y a de l’infinitif là- dedans. On dirait que Perrine Lacroix veut maintenir les choses à un seuil d’allumage. Le rôle du visiteur n’est pas secondaire. Il y a à la fois la précision de cette proposition sur le seuil et son comportement généraliste : solidité si élémentaire qu’elle est presque physiquement inébranlable, quelles que soient les conditions, climatiques ou autres. Un miroir reflète, rien n’est plus sûr ! Je crois que c’est un des buts personnels de l’artiste de montrer des choses qui tiennent le tremblement. Cela conduit assez logiquement à une réduction vers des conditions minimales. De visibilité, de sécurité pour l’artiste. Et puis il y a détente, à la fin c’est ample et la longueur de miroirs appuyés aux murs est conséquente. Voilà !
La prison ferme, on l’ouvre aux visites. Ces miroirs-qui-quoi-qu’il-en-soit-reflètent et cette prison-à-visiter-quoi-qu’il-en-fût me font donc songer à ce qui s’accomplit dans le délaissement. La prison à son image. Tirer une image de quelque chose tend à sa fermeture, son achèvement, sa pose, son stoppage. Toute image de quelque chose lui offre une terminaison, c’est un processuel qui vous le dit ! Si la terminaison nous touche alors elle est nerveuse, on ne s’endort pas, le faire image de Perrine Lacroix veut être de ce genre-là, un capteur. Et de fait il touche quelque chose, et quelqu’un ! » (...)
Enseigne
Exposition personnelle
MilleFeuilles, Nantes, 2015
Commissariat : Romain Boulay
À l’occasion du déplacement d’Enseigne (voir la page "Vague Silencieuse") du bunker jusqu’au hangar des ateliers MilleFeuilles l’exposition rassemble deux séries réalisées lors de mes errances dans les prisons de Lyon en 2012, avant les travaux.
La première est un ensemble de ballons de football récupérés dans les cours. Uniques formes rondes et ludiques abandonnées dans cet univers carcéral, les ballons sont présentés dans des supports de mappemonde ajustés à leur taille. Les ballons prisonniers se retrouvent alors figés sur un piédestal, tout en nous renvoyant au voyage et au monde.
Éclairages est une série de photographies prises dans les cellules. Elles montrent combien, éclairés par la cruauté d’un néon, les détenus transforment l’ambiance lumineuse de leur cellule et s’improvisent designers de leur intérieur de fortune.
Never been ( )
Exposition collective
Snap Projects, Lyon, 2015
Fils
Des câbles sont tendus dans l’espace. Ils relient les différents travaux de cette expositon collective, dessinent des lignes dans l’espace, des traits d’union. Ils ne sont pas sans rapeller les fils anti-évasion dans les cours de prison.
Grille
Aux fenêtres des cellules de la prison Saint-Paul, des grilles doublaient les barreaux, afin que les détenus ne puissent s’envoyer des yoyos et des messages. Malgré cette interdiction, chaque Grille est plus ou moins grignotée. Cette bouche béante permet alors de communiquer avec l’extérieur.
BA 27/04/42 - 31/05/43
Dans cette suite de dessins, chaque ligne retrace une journée de la détention de Berty Albrecht. Militante, elle se bat dès 1927 contre le fascisme mais aussi pour la contraception et l’avortement. En 1933, elle crée une revue féministe, Le Problème sexuel. En 1941, elle fonde avec Henri Frenay le mouvement Combat. Arrêtée à son domicile à Lyon le 27 avril 1942 par la police du gouvernement de Vichy, elle est internée administrativement et arbitrairement en mai 1942 à Vals-les-Bains. Après une grève de la faim de 13 jours, elle est emprisonnée à la prison Saint-Joseph, puis elle parvient à se faire interner à l’hôpital pshychiatrique du Vinatier d’où elle s’évade le 23 décembre 1942 avec l’aide de son mouvement. Refusant de passer en Angleterre, elle rejoint Henri Frenay à Cluny dans la famille Gouze, celle de Danièle Mitterrand. Arrêtée à Mâcon le 28 mai 1943 par la Gestapo de Barbie, elle est torturée et transférée à la prison de Fresnes où elle se donne la mort par pendaison dans la nuit du 31 mai.
Un balcon en forêt
Exposition individuelle
ATC, Rillieux-la-Pape, 2011
En Résonance avec la Biennale d'art contemporain de Lyon
Un balcon en forêt se déroule d’octobre 1939 à mai 1940, durant la "drôle de guerre", dans les Ardennes, la zone de l’attaque allemande. Julien Gracq y décrit la vie (l’attente) de quatre soldats dans une maison-forte, un blockhaus surmonté d’une sorte de chalet. Grange, le personnage principal, est pris entre une vie de soldat à la maison-forte et une vie intérieure qui se fait jour dans la nuit de la forêt. L’errance quotidienne du personnage est assimilée à un voyage à travers la forêt qui le pousse peu à peu sur la pente de sa rêverie, « il lui semblait qu’il marchait dans cette forêt insolite comme dans sa propre vie ». Le balcon, lieu suspendu entre l’intérieur du fort et l’extérieur de la forêt, symbolise ce que Michel Foucault appelle une « hétérotopie », un lieu non-statifié entre l’espace fermé du réel, habité par l’histoire et l’espace ouvert de la forêt, espace mental. Il fait partie de ces lieux qui sont des sortes de lieux hors de tous les lieux, bien que pourtant localisables. Espaces concrets, en rupture avec le temps, ils hébergent l’imaginaire, comme une cabane ou un théâtre.