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Texte de Martine Dancer
16 décembre 2023
Texte de Martine Dancer
16 décembre 2023
Comment rendre un hommage juste à un ami disparu tout en exprimant sa tristesse devant son absence. Qui a connu Rajak Ohanian sait quel artiste original, précurseur, exigeant, suprêmement indépendant, il était. Dans cette détermination à transcrire inlassablement ce qu’il définissait comme des séries de portraits, il a défriché bien des champs d’investigations - alors que la place de la photographie peinait à être reconnue dans le domaine artistique, ce dont, malgré des expositions significatives, il a souffert. Dans cette personnalité complexe se cristallisait au fil de ses séries - il y tenait - la rigueur des approches artistiques conceptuelles des années soixante-dix. Parfois pointait l’attraction avouée pour le surréalisme. Rétrospectivement, mais à l’aune de l’esprit de son temps, ne se cache-t-il pas dans ses quêtes incessantes un certain romantisme ? Aurait-il accepté cette appréciation, pas certain ! Mais, il aurait sans doute ri. Malheureusement privé de la vue avant de nous quitter, il se battait farouchement pour maintenir son indépendance, Vartan, Noémie, Melik, ainsi que des amis, « ses copains », cependant veillaient à ses côtés.
Épris de culture musicale, Rajak évoquait les 3 B : Bach, Beethoven et dans sa mythologie personnelle non pas Brahms mais Bartók. Il liait la composition de certaines de ses photographies à cette musique écoutée depuis sa jeunesse alors que des problèmes de santé le contraignaient au repos. Dans l’entrée de son appartement, toujours des livres : le théâtre, la littérature, la poésie, la peinture… tenaient une place considérable dans sa vie.
J’ai été une interlocutrice tardive qui n’a connu qu’en pointillés la richesse de sa personnalité, mais nous avons eu des échanges en confiance tous les deux - même lorsque quelques différences d’opinions les rendaient un peu vifs. L’obstination lorsqu’il s’agissait d’atteindre ses objectifs, transparaissant dans ses récits, confiés devant ses photographies dans son appartement lyonnais, m’interpellait.
Comment ne pas admirer cette volonté d’arriver à ses fins malgré tous les obstacles à surmonter : très jeune, il se présente seul - sans autre viatique que la certitude de ce qu’il devait accomplir - au pavillon arménien de la Cité internationale à Paris pour solliciter un hébergement. Des témoins se souviennent comment plus tard, il délaisse le monde du théâtre de la décentralisation pour vivre deux ans à Sainte-Colombe, s’y faire adopter par la population et restituer les portraits de chacun. Pas si simple non plus de s’expatrier près de deux ans, sans filet et en toute indépendance, à Chicago… Mais quelle fascination devant cette écriture si personnelle dans ces grands « tableaux photographiques », tout comme devant la poésie, la majesté de certains paysages, notamment en Bretagne.
Marqué par la tragédie d’un orphelin, son père, expulsé de Turquie après l’assassinat de ses parents, à deux reprises Rajak arpente Alep. Faute de retrouver les lieux de cet exil imposé, il fixe « des paysages » dans la cité : chacun de ses tirages est strié de textes réclamant la dignité humaine. Ensuite, ce furent les signes tracés par les éléments sur les écorces d’arbres centenaires, tout en visant avant tout à l’universel.
Pendant toute sa vie, il a beaucoup sacrifié pour son travail. Mais évoquer ses amis artistes, musiciens, écrivains : Diego Masson, Annie Lebrun, Charles Juliet… et tous ses « copains », notamment des milieux arméniens, lyonnais, - je ne peux citer tous leurs noms - c’est comprendre la myriade de liens précieux qu’il a tissé depuis ses débuts avec les gitans aux Saintes-Maries-de-la-Mer, puis les grandes figures du Jazz, du théâtre, des mines… et tant d’autres. Toutes nos pensées vont aujourd’hui à Vartan, Noémie, Melik, ses petites-filles et petit-fils. Il leur reste l’immense héritage de ce qu’a créé leur père et grand-père.
Le regard clair : (Tentative de) Portrait
Par Julie Sauret, 2011
Le regard clair : (Tentative de) Portrait
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RAJAK OHANIAN - SUR LA ROUTE
Par François Cheval
In Rajak Ohanian - Sur la route, catalogue d'exposition, Édition du musée Nicéphore Niépce, Chalon-sur-Saône, 2003
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